Chauffage domestique au bois : Le bois, toujours à la première place des énergies renouvelables
En Normandie ? Il représente 70 % des consommations de bois-énergie. À l’échelle nationale ? Il participe au chauffage d’environ 7,5 millions de résidences principales. De qui parlons-nous : du chauffage domestique au bois évidemment ! Et savez-vous comment sont obtenus ces chiffres ? En interrogeant directement les usagers. Et oui, car cette énergie est cruciale dans le parc énergétique français ! Mais son suivi ne peut être aujourd’hui réalisé que grâce à un travail de fourmis, en allant directement au contact des utilisateurs. C’est ce que fait l’Agence de la transition écologique (ADEME) depuis plus de trois décennies au travers de ses études nationales « Situation du chauffage domestique au bois » commanditées environ tous les 5 ans. La dernière étude, qui a porté sur la saison de chauffe 2022/2023, a été réalisée par Marine Premat, notre chargée d’études bois-énergie à Biomasse Normandie, aux côtés de Hearth Connection et du CEREN. Plus de 11 000 ménages ont été interrogés à l’aide du cabinet Know and Value basé à Rouen, ainsi qu’une trentaine de professionnels clefs de la filière et une centaine de structures d’approvisionnement en combustibles. Nous avons ainsi pu révéler des tendances majeures, tout en soulevant des défis stratégiques pour l’avenir du bois-énergie domestique en France.
Un secteur en pleine mutation

L’un des enseignements clés de cette étude réside dans l’augmentation du nombre de foyers utilisant le chauffage au bois. En 2023, ce sont 7,5 millions de résidences principales qui se chauffent au bois. Ce chiffre représente ainsi un quart des foyers français et près de la moitié des maisons individuelles. Il s’agit du chiffre le plus élevé depuis 1984 ! Ceci illustre l’intérêt croissant des ménages pour cette énergie renouvelable.
Pour la première fois dans cette étude, nous avons même comptabilisé les équipements installés dans les logements, mais non utilisés : ils sont au nombre de 1,2 million ! Ainsi que les équipements installés dans les résidences secondaires (de l’ordre de 200 000). Cela porte à 9 millions le nombre d’équipements individuels de chauffage au bois présents dans les foyers de France métropolitaine.

Baisse des consommations unitaires
En parallèle, la consommation unitaire moyenne par logement a connu une diminution progressive et constante au fil des décennies. Cette baisse s’explique en partie par l’amélioration des équipements et par la montée en puissance des appareils de chauffage performants, capables d’optimiser la combustion et de réduire la consommation de combustible. Malgré cela, la consommation globale de bois pour le chauffage domestique reste conséquente : elle est estimée à 64,4 TWh à climat réel pour la saison 2022/2023, soit 37,7 millions d’équivalents stères.
Modes d’approvisionnement
Un point particulièrement intéressant mis en avant par l’étude concerne l’évolution des modes d’approvisionnement en bûches. Si l’auto-approvisionnement a longtemps dominé, de plus en plus de ménages se tournent désormais vers des circuits professionnels (achats via des vendeurs spécialisés, des grandes surfaces, etc.) pour l’achat de leur bois de chauffage. Ce mode d’approvisionnement a représenté 27 % des consommations de bûches en 2022/2023. Cette tendance permet non seulement de garantir une meilleure traçabilité du combustible, mais aussi d’assurer une qualité supérieure des bûches, qui sont plus sèches et mieux adaptées aux nouveaux appareils performants. Ce phénomène contribue à la structuration de la filière et à la réduction du marché informel, parfois associé à un manque de contrôle sur la qualité et l’humidité du bois utilisé. L’enquête révèle que les bûches utilisées par les ménages proviennent à 85 % de la forêt et à 95 % d’une distance inférieure à 30 km (pour les modes d’approvisionnement autres que le circuit professionnel).
Les défis du bois-énergie domestique
Si la filière bois-énergie domestique connaît une dynamique favorable, elle doit cependant faire face à plusieurs défis majeurs.
Qualité de l’air
La question de la qualité de l’air demeure un sujet clé. Bien que le parc se soit modernisé, le nombre d’équipements considérés comme « peu performants » reste élevé en maisons individuelles. Ce dernier s’élève à environ 3 millions. Aussi, même si les technologies ont évolué et que les appareils récents offrent de bien meilleures performances en termes de rendement et d’émissions, le chauffage au bois domestique peut générer trop de polluants atmosphériques (particules fines, et Oxydes d’azote – NOx) lorsqu’il ne fait pas l’usage de bonnes pratiques ou que le combustible utilisé est trop humide. L’enquête révèle que, si les conditions de séchage des bûches semblent relativement bonnes, les marques qualité des bûches et les bonnes conditions d’allumage et de rechargement des équipements ne sont pas connues des ménages. Sensibiliser les consommateurs aux bonnes pratiques et encourager le renouvellement des équipements vétustes apparaissent comme des leviers indispensables pour concilier développement du bois-énergie domestique et préservation de la qualité de l’air.
Des usages différents du bois
Un autre enjeu de taille concerne l’articulation entre les différents usages du bois. Le bois est aujourd’hui la première énergie renouvelable en France, avec une ressource disponible qui, pour le moment, répond à la demande. Rappelons que le bois-énergie s’inscrit comme un complément, et non un concurrent, de la filière bois-construction. Ce dernier est essentiel pour le stockage du carbone et la réduction de l’empreinte carbone des bâtiments. Mais la multiplication des usages du bois à des fins énergétiques (chauffage mais maintenant également processus industriels et transport), oblige les puissances publiques à se questionner sur les priorités d’usage et notamment dans le cadre de l’élaboration de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie et de la Stratégie Nationale Bas Carbone. Ce travail indispensable de priorisation pourra avoir un impact sur les objectifs nationaux concernant le chauffage domestique au bois. Mais il doit surtout permettre de garder en tête deux fondamentaux : la priorité reste le maintien de la biodiversité et du stock sur pied, et le fait que le chauffage domestique au bois reste une solution massivement utilisée qui répond aux attentes des français (prix, rapport à la nature, convivialité, caractère renouvelable).
Des solutions pour un bois-énergie domestique durable
Face à ces enjeux, plusieurs pistes d’action doivent être privilégiées. D’abord, la modernisation du parc d’équipements est une nécessité.

Remplacer les cheminées ouvertes et les appareils anciens (datant d’avant 2005) par des solutions modernes et performantes permettrait de réduire significativement les émissions polluantes tout en optimisant la consommation de combustible. On appelle les appareils non performants : foyers ouverts (cheminées) ainsi que tous les équipements datant d’avant 2005.
Grâce à l’enquête nous estimons que depuis 5 ans, entre 100 000 et 150 000 équipements sont renouvelés chaque année. Cela a été possible grâce, notamment, aux dispositifs d’incitation financière tels que MaPrimeRénov’ et les fonds air bois. Une réduction de ces aides pourrait ralentir la dynamique de renouvellement du parc d’équipements et de la transition vers des solutions de chauffage exemplaires.
Ensuite, l’essor des circuits professionnels d’approvisionnement en bois et des marques qualité doit être encouragé. Un approvisionnement maîtrisé et structuré garantit un bois de meilleure qualité, séché correctement et répondant aux normes en vigueur. Cette démarche bénéficie à la fois aux consommateurs, qui profitent d’un combustible plus performant, et à la filière, qui se professionnalise et gagne en transparence et en visibilité. À terme, cela contribuera également à limiter l’impact du marché informel et à gagner en traçabilité, notamment dans le cadre des travaux pour suivre la ressource disponible.
Enfin, un effort de pédagogie et de sensibilisation est essentiel. Promouvoir les bonnes pratiques d’utilisation et d’entretien des équipements, diffuser des recommandations claires sur le choix du combustible, les marques qualité et les durées optimales de séchage sont autant d’actions nécessaires pour assurer un développement durable du bois-énergie.
Une énergie d’avenir
Le chauffage domestique au bois occupe une place stratégique dans le mix énergétique français. Il représente une solution disponible localement, renouvelable et accessible financièrement. Il est capable de répondre aux enjeux de transition énergétique tout en contribuant à l’autonomie énergétique des territoires. Toutefois, son développement doit s’inscrire dans une logique de durabilité et de qualité, en veillant à concilier performance énergétique, impact environnemental et accessibilité pour les consommateurs.
L’étude que nous avons réalisée pour l’ADEME nous rappelle que le bois-énergie domestique est à un tournant. Son avenir repose sur des choix stratégiques et des politiques publiques adaptées visant à moderniser la filière, à structurer les circuits d’approvisionnement et à accompagner les ménages dans l’adoption de pratiques responsables. Il appartient désormais aux acteurs du secteur, aux pouvoirs publics et aux consommateurs de travailler ensemble pour faire du chauffage domestique au bois une énergie d’avenir, au service de la transition écologique.
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